|
La cuisine
est le lieu où la famille, les amis et les convives se rassemblent.
Cur de la maison et symbole de convivialité, c'est cette
pièce que l'artiste anglaise Jess Loseby a choisie comme base de
son uvre The cyber-kitchen.
Et c'est justement dans la cuisine que se rassemblent des artistes et
que convergent des uvres. En effet une trentaine d'artistes participent
pour l'instant à ce projet de collaboration.
Certains objets de la cyber-cuisine contiennent un lien vers une image,
interactive ou non, une photographie, une vidéo ou une animation.
Autrement dit chaque uvre mise en lien enrichit la cyber-cuisine
et par là même devient un élément à
part entière de celle-ci.
Cependant, la collaboration se limite à la participation d'artistes
Il ne s'agit effectivement pas d'une uvre totalement ouverte sur
le réseau offrant à chaque internaute la possibilité
de participer à sa construction. Ici, seuls ceux qui possèdent
un statut d'artiste peuvent porter leur contribution. Nous pouvons donc
nous demander à ce stade ce qu'est un artiste. Question récurrente
dans la production artistique contemporaine, elle se fait également
très pressante et encore plus ambiguë pour les artistes du
Web.
Nous ne referons cependant pas le débat en ce lieu.
Reste qu'il est surprenant que Jess Loseby pose une limite à la
collaboration, car en définitive, n'est-ce pas aller à l'encontre
du principe fondamental d'Internet que de sélectionner les participants,
et par la même, dresser des murs entre ceux qui sont artistes et
les autres, ceux qui ne le sont pas ?
Nombre d'uvres
utilisent le Web pour ses qualités premières de réseau
ouvert sur le monde. Citons à ce titre le texte de Bertrand Gauguet,
Je (ne) suis (pas) une uvre d'art, récemment ajouté
au projet Being Human de Annie Abrahams. Il s'agit d'un texte que
chaque internaute peut modifier en direct et à son gré en
échangeant un mot pour un autre. Au fur et à mesure que
des modifications y sont apportées, les mots changent de couleur
et s'éclaircissent jusqu'à disparaître totalement
Les résultats obtenus sont surprenants et ludiques, parfois très
poétiques. C'est une uvre à consulter très
régulièrement et dont on se délecte des mots et des
phrases anarchiquement assemblés. Tout utilisateur peut apporter
sa contribution à l'uvre, sachant que le mot qu'il va choisir
et par là même, la phrase qu'il va produire, va influencer
tout le sens (ou le non sens) du texte, et parfois même inspirer
d'autres internautes. Ainsi se forme une sorte de chaîne. Le résultat
obtenu n'est pas seulement fonction d'une ou de quelques personnes mais
de tous ceux qui ont participé, à un moment donné
ou à un autre, à ce projet.
Un détail nous arrête toutefois dans notre enthousiasme
Je (ne) suis (pas) une uvre d'art, le titre même de
l'uvre, pose directement les questions qu'est-ce qu'une uvre
? Qui est artiste ? Qu'est-ce que l'art ?
Ces mêmes questions
que nous avons soulevées plus haut dans un tout autre contexte.
Ces deux uvres, hors de la démarche propre à ces artistes,
mais de par leur nature même, posent également la question
de la place du spectateur dans l'uvre on line, qu'il soit intégré
ou pas dans le processus de création de celle-ci. Le regardeur
de Duchamp est aujourd'hui "spect-acteur". Et même s'il
est vrai qu'il ne faut pas faire trop grand cas de la place effective
de l'utilisateur au sein d'une uvre interactive car elle reste somme
toute limitée, l'internaute est désormais intégré
dans son concept. Et finalement, c'est ce processus de "dépossession"
de l'uvre par l'artiste et de "ré-appropriation"
de celle-ci par l'utilisateur qui importe dans un projet de collaboration.
C'est dans cette dynamique relationnelle et créative que l'uvre
prend tout son sens.
Cécile
Petit
The Cyber-Kitchen
www.the-cyber-kitchen.com
Je (ne) suis (pas) une uvre d'art
lien d'origine : www.fraclr.org/users/abrahams/perl/artf.pl
|